lundi 2 juillet 2012


NOUS SOMMES TOUS DES BÉMOLS

Le quotidien d’information Libération publiait le 28 juin dernier un article intitulé « Le CNM, fauché et en pleine gloire ». On pouvait y lire la phrase suivante : « L’ensemble des acteurs de la musique, mis à part quelques bémols, est à fond pour le CNM. » (1)


Une telle phrase choque lorsqu’elle ignore un ensemble conséquent (et non des moindres) de structures représentatives ayant refusé de signer l’accord-cadre du 28 février 2012 servant de base à la création le 4 avril 2012 de l’Association de préfiguration du centre national de la musique composée de hauts fonctionnaires. Lorsqu’elle ignore également la pétition lancée par l’Appel des 333 (2), appel spontané et non encadré recueillant rapidement quelques 2777 signatures (très forte majorité de musiciens et musiciennes) lorsqu’une récente pétition en faveur du CNM (proposé par quatre fédérations et relayé par le quotidien Le Monde) en a recueilli 79 (3).

La précipitation volontariste avec laquelle Nicolas Sarkozy a lancé le Centre National de la Musique est relayée sans le moindre esprit critique aujourd’hui par les médias proches du nouveau pouvoir. On devrait s’en étonner.

Le CNM vient compléter la page éloquente du néant de la période culturelle récente : échec du Conseil de la création artistique, débuts insignifiants du Pôle Cinéma du Grand Paris, renflouement outrancier d’un très gros label « indépendant » par la Caisse des dépôts et consignations etc. (4).

La volonté de financer principalement le CNM par une taxe prise au Centre National du Cinéma, exercice de passe-passe plutôt illégal, montre d’emblée le côté aberrant de ce projet qui unit par ailleurs les problèmes de la musique à ceux de la duplication de la musique. L’organisme supposé être une manne est déjà en panne de financement avant d’avoir vu le jour. Il a suffi que la ministre de la culture, fraîchement nommée, fasse part, lors du festival de Cannes, de ses réserves, puis récemment que le directeur de la Sacem (réticences modulées paraît-il par un Sms) fasse de même ou encore qu’ un communiqué sorti tout droit d’un alambic de l’Adami sème le trouble, pour qu’immédiatement les fervents défenseurs du CNM, tels les Majors ou le Snep, montent au créneau. Une partie de la presse, rétive à laisser s’exprimer les bémols opposants au CNM, s’est empressée de publier une tribune libre (5) d’un cartel d’organisations, supposées représentatives des labels « indépendants » (6) dans ce qu’il est désormais convenu, dans les milieux politiques et financiers, d’appeler « la Filière musicale », pour la défense du CNM, seule façon de sauver la production « indépendante ».  Nombreuses sont, une fois encore, les organisations indépendantes et représentatives non consultées. On comprend mal cette obstination de réaliser le projet Sarkozy et de le considérer comme unique « sauveur » de la musique !

Depuis quand les tenants de l’industrie fonctionnent avec le même mètre-étalon que les plus petits artisans ? Nous l’avions dit lors d’un précédent appel faisant suite au rapport Riester-Chamfort-Colling-Thonon-Selles (7), le CNM fondé sur une conception étriquée de la musique, principalement liée au profit direct est source de graves problèmes. L’erreur initiale considérant la musique comme une « filière industrielle » en créant une norme de filière pour toutes les pratiques musicales et réduisant les aides diverses en un guichet unique n’est pas la moindre.


Si l’on veut renouveler les politiques publiques en faveur de la musique, il faut d’abord partir de la pratique artistique et ses diverses implications (duplication, création et diffusion ne sauraient être réduites en un). La différence plus que la diversité. Seuls les artistes peuvent nous permettre d’en comprendre l’importance. Les promoteurs du CNM ont terriblement minoré la parole des artistes. Les syndicats ont été tardivement consultés, les principaux ont d’ailleurs refusé le protocole d’accord. Mais quelque soit l’importance de la parole syndicale, nous avons besoin que les paroles portant les pratiques de tous soient entendues.

La musique ne saurait être considéré comme une simple marchandise qu’il suffit de réguler. À ce titre, nous appelons les acteurs de la production musicale et tous les bémols solidaires à se rassembler pour en finir avec le CNM qui a déjà prouvé sa totale inconvenance, et élaborer des propositions collectives en faveur de la musique.

(1)    Sarah Bosquet, Libération du 28 juin 2012
(2)    « Non au Centre National de la musique » sur Pétition Publique :  http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N19710
(3)    « La musique indépendante survivra-t-elle au temps politique ? » in Pétition en ligne
http://www.petitionenligne.fr/petition/tribune-la-musique-independante-survivra-t-elle-au-temps-politique/2619
(4)    « Naïve, label musical très subventionné et pas très cool » par loïce Perron, Rue 89 – 18 mai 2012
(5)    « La musique indépendante survivra-t-elle au temps politique ? » Le Monde du 13 juin 2012
(6)    Ces fédérations comportent des membres hostiles au CNM
(7)    « Rapport sur la création musicale et diversité à l’ère numérique »
http://www.dgmic.culture.gouv.fr/article.php3?id_article=1696

Le blog « Nous sommes tous des bémols, CNM contre nous musiciens » est ouvert pour que chacun s’exprime. Vous pouvez réagir à ce texte ou simplement le soutenir en cliquant sur le lien "commentaire" ci-dessous en laissant un message. Vous pouvez écrire à contrenousmusiciens@gmail.com

15 commentaires:

  1. Vive les bémols solidaires
    Jean Rochard - signataire de l'appel des 333

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  2. bémols, dièses, partisans de la musique modale ou des techniques dites étendues, du swing de la techno, du classique et même de l’R&B ne vous laissez pas dépouiller par le CNM, ne confondez pas avec CNN

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  3. À lire : Dominique Pifarély sur le blog Tracé Provisoire

    http://pifarely.net/wordpress/?p=5339

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  4. j'adhère à ce texte à 99 %
    le 1% restant étant juste mon sens de l'indépendance !!!
    Didier Petit (collection in situ)

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  5. COMMUNIQUÉ DES ALLUMÉS DU JAZZ

    IL N'EXISTE PAS DE FILIERE MUSICALE

    La confusion, les hésitations, les contradictions, les précipités, les ralentis relatifs à la création d’un Centre National de la Musique exprimés récemment révèlent, si cela était encore nécessaire, l’incongruité d’une telle entreprise totalement inadaptée aux besoins et préoccupations des acteurs musicaux agissant dans les champs dit « indépendants » auxquels conviendrait mieux sans doute le mot de « artisans ».

    Ce projet, en plus de son iniquité manifeste, a popularisé une expression particulièrement déplacée et nuisible : « la filière musicale » ; expression reprise, mimée et dupliquée en toute hâte par les politiques, les médias et autres protagonistes trop enclins à ignorer le sens des mots.

    À l’exception du fait que la finalité serait la duplication de la musique (ce qui reste discutable), il n’existe aucun point commun entre les petits producteurs musicaux que nous sommes et les tenants de ce que l’on nomme « industrie musicale » chez qui tous les défricheurs ont été congédiés, comme il n’existe aucun point commun entre un petit paysan et les gigantesques groupes agro‐alimentaires qui dévorent le monde ou un artisan cordonnier et la méga‐industrie de la chaussure qui fait travailler des enfants pour toujours plus de profit. Il existe bien plus de rapports entre nous et ce petit paysan et cet artisan cordonnier qu’avec une « industrie musicale » qui n’a eu de cesse ces dernières années de se vider de l’intérieur et minimiser, ridiculiser, limiter voire étouffer la signification du geste musical.

    Le 4 avril dernier, un mois avant l’élection présidentielle, la création de l’Association de préfiguration du centre national de la musique composée de hauts fonctionnaires signifiait la mise en place hâtive du Centre National de la Musique. Un des objets de ses statuts est de « défendre les intérêts communs de la filière ». La consultation des musiciens importa peu. (1)

    Nous, producteurs‐artisans, agissons en pleine solidarité avec les musiciens, acteurs évidemment essentiels à toute vie musicale, à tout développement et souvent impliqués eux‐mêmes dans le processus de production. Notre travail complète le leur, comme celui des disquaires indépendants, des associations organisatrices de concerts et de toutes celles et ceux qui avec peine et enthousiasme continuent à penser la musique comme une multiplicité d’expressions, qui savent encore aller vers les gens, jouer, créer, transmettre, communiquer et partager.

    Et puisque jamais des décisions aussi simples que le prix unique du disque, ou la réduction de sa tva à 5,5% n’ont été prises par les pouvoirs publics comme elles l’ont été pour le livre, considéré lui comme un objet culturel, nous ne saurions faire office de figurants autour de la table de la « filière » et cautionner la mise en oeuvre d’un Centre National de la Musique bis retardé pour cause d’attente de financement.

    Ce que nous désirons voir pris en compte, ne pas voir étranglé par la violence des contraintes d’une « filière » factice et banalisée, c’est notre différence, notre imagination, notre commentaire poétique, notre audace, notre sens du réel, notre nécessité musicale, notre idée d’un monde meilleur, notre artisanat pour lesquels nous nous dépensons sans compter.

    Les Allumés du Jazz, le 28 juin 2012

    (1) Les syndicats de musiciens consultés ont refusé de signer l’accord cadre du 28 février 2012. La grande majorité des musiciens de notre secteur n’adhère à aucun syndicat mais est impliqué dans des structures telles que Les Allumés du Jazz, Grands Formats, l’UMJ etc.

    http://www.allumesdujazz.com/Evenements_des_Allumes_59#actews574

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  6. il faudrait envoyer ce texte "nous sommes tous des bémols" à la presse, je ne sais pas comment faire en même temps - savoir-faire -. si, je l'envoie au courrier des lecteurs du"monde", çà je sais.
    si qq peut me donner - ou le faire directement - des tuyaux pour l'envoyer de façon efficace à toute la presse. a toutes. serge adam

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  7. Faites comme moi ! Je viens de me désabonner de la newsletter de l'IRMA qui vient de prendre honteusement position pour le cnm; Si quelques musiciens se désabonnent, ils finiront par se rendre compte qu'ils ne représentent qu'eux-même. Etienne Brunet

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  8. Le texte a été envoyé à pas mal de journalistes - pas tous loin s'en faut - et certains se sont montrés intéressés (ce qui ne garanti pas qu'ils en parlent).

    Jean Rochard

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  9. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    1. AVEC OU… SANS LES MUSICIENS

      Le CNM a été lancé par un ensemble de « décideurs » qui ont soigneusement marginalisé la parole des artistes. Qu’a-t-elle de dérangeante cette parole pour être si ignorée ? Le résultat est évident, le contenu du CNM est purement technocratique et financier. La musique méprisée est ravalée au rang de « filière ». La parole des artistes aurait donné du sens - ce que nous manquons le plus, en ces temps de financiarisation bornée- elle aurait permis de mieux comprendre ce qu’est l’acte artistique et donc de quelle politique publique il est réellement question.

      Le CNM aujourd’hui est un Ovni, héritage culturel médiocre du néant sarkhoziste. Ces protagonistes se démènent pour maintenir son existence et bénéficient de relais médiatiques sans communes mesures avec leur réelle représentativité. La pétition pro-CNM lancée par le CD1D, le FELIN, le SMA, la FERAROCK avec l’aide du quotidien Le Monde recueille un mois après son lancement le chiffre terrassant de… 82 signatures.

      Le CNM tourne en rond, accouchement très difficile ou mort-né, il est bourré de contradictions. Soutenu par les Majors, les gros producteurs, des « indépendants » factices, et quelques bureaucrates, le CNM, comme bien d’autres « choses », est symbolique du vide de pensée qui préside aujourd’hui à la « gouvernance » du monde.

      L’on nous parle beaucoup de la « gouvernance » de ce fameux CNM. Rappelons que le mot gouvernance, issu du vocabulaire politique de l’Ancien Régime, fut rejeté comme tel par les républicains et réintroduit par le rapport de la Commission Trilatérale dirigée par Henry Kissinger « Governability of democracies » en Mai 1975. Il s’agissait alors de remplacer la démocratie jugée trop aléatoire par un mode de gestion fonctionnel du monde plus technocratique.

      Il est grand temps de reprendre l’initiative de la parole artistique. Pour cela nous devons échanger, réfléchir, proposer ensemble afin que s’élabore une démarche collective riche et novatrice. Cette dynamique permettra de développer un espace public où la parole des musiciens sera prise en compte et participera à une construction intelligente des politiques publiques. Cela s’appelle aussi Démocratie…

      Fabien Barontini

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  10. MUSIQUE PRIORITAIRE… OÙ PAS ?

    L’actualité politique vient d’accoucher d’un nouveau concept politique : le ministère prioritaire… Ils sont trois : l’Éducation Nationale, la Justice et l’Intérieur. Les autres ministères (Santé, Culture et donc la vie musicale, l’Agriculture, le Travail…) ne le sont pas. Une partie de notre existence est devenue prioritaire et une autre ne l’est pas.

    Imaginez la vie d’un adolescent de la France Prioritaire et Non-Prioritaire. Le matin, il part au collège. Là, quelle chance ! il est prioritaire. Il tombe gravement malade, ce que nous ne lui souhaitons pas évidemment : il n’est plus prioritaire. Notre ado apprend la musique au conservatoire de sa ville, il n’est toujours pas prioritaire. Ce saucissonnage de la vie et de la société est absurde… La droite disait « Trop d’État », la partition actuelle serait, alors, grâce à un parfait élément de langage dicté par notre visionnaire Georges Orwell : « Ministère Non-Prioritaire ».

    -« Mais mon cher Fritz, me direz-vous, faut faire un effort pour assainir nos dettes »…

    -« La dette ?… Mais vous n’avez rien compris au scandale du Libor qui secoue la City de Londres en ce moment… Le système financier mondial implose inéluctablement, le renflouer avec nos dettes qui mériteraient d’ailleurs un véritable audit, c’est balancer tout notre argent dans un gigantesque tonneau des Danaïdes devenu une immense fosse septique sans fond. Voilà pourquoi tous nos ministères doivent être prioritaires, pour garder la circulation monétaire dans la société et augmenter les salaires… »

    En attendant, Aurélie Fillipetti a déclaré dans la Tribune vouloir « restaurer l’autorité du ministère de la Culture ». Restaurer l’autorité d’un ministère déclaré non-prioritaire, contradiction insoluble… Non ?

    FRITZ THE CAT

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  11. TABLE RONDE SUR LE CNM EN AVIGNON

    http://nato-glob.blogspot.fr/2012/07/table-ronde-sur-le-cnm-en-avignon.html

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  12. "Le discours autoritaire de Catherine Ruggieri (soulignant sans rigoler dès sa première intervention que "l'emploi dans la musique était majoritairement garanti par les majors")".

    Peut-on espérer discuter avec "ça" ? L'art d'un ministre (oui, je sais...)étant peut-être de savoir s'entourer, ça commence (continue) mal.
    C'est tout de même insupportable d'entendre ça, encore aujourd'hui, même sans avoir nourri de quelconques illusions. De l'incompétence, de l'expression d'une idéologie crypto-libérale, au mépris, voire à la morgue, il devrait y avoir un petit espace.
    On m'a récemment engagé à "parler à la ministre", arguant qu'il y avait sans doute un "créneau" pendant lequel elle découvrait les choses.
    Tu parles.
    Dominique Pifarély

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  13. L’Afijma réaffirme son opposition au projet de CNM

    http://www.irma.asso.fr/L-Afijma-reaffirme-son-opposition

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  14. Blog de Virginie Berger

    http://virginieberger.com/2012/07/tribune-de-musiciens-contre-le-centre-national-de-la-musique-cnm/?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+virginieberger+%28Don%27t+believe+the+Hype%29&utm_content=Netvibes

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