NOUS SOMMES TOUS DES BÉMOLS
Le
quotidien d’information Libération publiait le 28 juin dernier un article
intitulé « Le
CNM, fauché et en pleine gloire ». On pouvait y lire la phrase
suivante : « L’ensemble des acteurs de la musique, mis à part
quelques bémols, est à fond pour le CNM. » (1)
Une telle phrase choque lorsqu’elle ignore un ensemble
conséquent (et non des moindres) de structures représentatives ayant refusé de
signer l’accord-cadre du 28 février 2012 servant de base à la création le 4
avril 2012 de l’Association de préfiguration du centre national de la musique
composée de hauts fonctionnaires. Lorsqu’elle ignore également la pétition
lancée par l’Appel des 333 (2), appel
spontané et non encadré recueillant rapidement quelques 2777 signatures (très
forte majorité de musiciens et musiciennes) lorsqu’une récente pétition en
faveur du CNM (proposé par quatre fédérations et relayé par le quotidien Le
Monde) en a recueilli 79 (3).
La précipitation volontariste avec laquelle Nicolas Sarkozy
a lancé le Centre National de la Musique est relayée sans le moindre esprit
critique aujourd’hui par les médias proches du nouveau pouvoir. On devrait s’en
étonner.
Le CNM vient compléter la page éloquente du néant de la
période culturelle récente : échec du Conseil de la
création artistique, débuts insignifiants du Pôle Cinéma du Grand Paris,
renflouement outrancier d’un très gros label « indépendant » par la
Caisse des dépôts et consignations etc. (4).
La volonté de financer principalement le CNM par une taxe
prise au Centre National du Cinéma, exercice de passe-passe plutôt illégal,
montre d’emblée le côté aberrant de ce projet qui unit par ailleurs les problèmes
de la musique à ceux de la duplication de la musique. L’organisme supposé être
une manne est déjà en panne de financement avant d’avoir vu le jour. Il a suffi
que la ministre de la culture, fraîchement nommée, fasse part, lors du festival
de Cannes, de ses réserves, puis récemment que le directeur de la Sacem
(réticences modulées paraît-il par un Sms) fasse de même ou encore qu’ un
communiqué sorti tout droit d’un alambic de l’Adami sème le trouble, pour
qu’immédiatement les fervents défenseurs du CNM, tels les Majors ou le Snep,
montent au créneau. Une partie de la presse, rétive à laisser s’exprimer les
bémols opposants au CNM, s’est empressée de publier une tribune libre (5) d’un cartel d’organisations, supposées
représentatives des labels « indépendants » (6) dans ce qu’il est désormais convenu, dans les milieux
politiques et financiers, d’appeler « la Filière musicale », pour la
défense du CNM, seule façon de sauver la production
« indépendante ».
Nombreuses sont, une fois encore, les organisations indépendantes et
représentatives non consultées. On comprend mal cette obstination de réaliser
le projet Sarkozy et de le considérer comme unique « sauveur » de la
musique !
Depuis quand les tenants de l’industrie fonctionnent avec le
même mètre-étalon que les plus petits artisans ? Nous l’avions dit lors
d’un précédent appel faisant suite au rapport
Riester-Chamfort-Colling-Thonon-Selles (7),
le CNM fondé sur une conception étriquée de la musique, principalement liée au
profit direct est source de graves problèmes. L’erreur initiale considérant la
musique comme une « filière industrielle » en créant une norme de
filière pour toutes les pratiques musicales et réduisant les aides diverses en
un guichet unique n’est pas la moindre.
Si l’on veut renouveler les politiques publiques en faveur
de la musique, il faut d’abord partir de la pratique artistique et ses diverses
implications (duplication, création et diffusion ne sauraient être réduites en
un). La différence plus que la diversité. Seuls les artistes peuvent nous
permettre d’en comprendre l’importance. Les promoteurs du CNM ont terriblement
minoré la parole des artistes. Les syndicats ont été tardivement consultés, les
principaux ont d’ailleurs refusé le protocole d’accord. Mais quelque soit l’importance
de la parole syndicale, nous avons besoin que les paroles portant les pratiques
de tous soient entendues.
La musique ne saurait être considéré comme une simple
marchandise qu’il suffit de réguler. À ce titre, nous appelons les acteurs de
la production musicale et tous les bémols solidaires à se rassembler pour en
finir avec le CNM qui a déjà prouvé sa totale inconvenance, et élaborer des
propositions collectives en faveur de la musique.
(1)
Sarah Bosquet, Libération
du 28 juin 2012
(2)
« Non au Centre
National de la musique » sur Pétition Publique : http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N19710
(3)
« La musique
indépendante survivra-t-elle au temps politique ? » in Pétition en ligne
http://www.petitionenligne.fr/petition/tribune-la-musique-independante-survivra-t-elle-au-temps-politique/2619
(4)
« Naïve, label
musical très subventionné et pas très cool » par loïce Perron, Rue 89 – 18
mai 2012
(5)
« La musique
indépendante survivra-t-elle au temps politique ? » Le Monde du 13 juin
2012
(6)
Ces fédérations
comportent des membres hostiles au CNM
(7)
« Rapport sur la
création musicale et diversité à l’ère numérique »
http://www.dgmic.culture.gouv.fr/article.php3?id_article=1696
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